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Culte Inkult

  Chapeau vissé sur un visage au regard bleu acier, silhouette tendance et respectueuse, Hadrien, posé sur la terrasse d’une brasserie de front de mer, accueille, non sans une certaine retenue, le visiteur venu rencontrer Inkult.

  On ne sait qui, de l’artiste ou de l’homme, révèlera l’autre... Né à Toulouse de parents enseignants, Hadrien, dit « InKult », se nourrit d’un multiculturel familial et pérégrinatoire ». De l’italien de ses grands-parents aux origines pieds-noirs de sa maman en passant par des voyages en Égypte ou en Amérique du Sud, l’artiste s’ouvre au monde, se berce de contemplations et grandit en sensibilités. L’excentricité chic d’une grand-mère brodeuse, sa mère peintre et collectionneuse à ses heures inspirent déjà le créateur qui sommeille en lui. 

Opposer les preuves concrètes aux probables de l’irrationnel.

  Une mutation professionnelle aidant, la famille découvre toute la douceur et l’expression mosaïque de l’ile Bourbon.

  Très jeune Hadrien dessine déjà, un temps plus tard reprend à la plume encrée les œuvres d’André Turpin, se laisse surprendre par la gravure à l’eau-forte* projetant par cette technique des arbres fantastiques. Il aime le monochrome écartant de fait couleurs et nuances pastel, se teste même à la sculpture sur savon privilégiant l’enlevage au rajout.
  Les études sont chaotiques, bordées d’attentions certes mais trop éloignées déjà de ses appétences artistiques. A l’ennui des cours s’oppose l’évasion propice de croquis et d’esquisses dans les cahiers; comme pour mieux se protéger d’épreuves de vie trop prématurément imposées, l’adolescent se brûle aux limites provocatrices de la transgression des règles. A 12 ans ce rebelle aux allures d’écorché vif se réfugie comme pour mieux exister dans l’atmosphère fascinante de fugues noctambules. La tombée du jour signant l’appel d’une liberté clandestine, l’artiste et ses fidèles comparses encore aujourd’hui présents succombent aux arcanes de la lune naissante pour graffer ici et là l’expression du plus profond. Quelques dégradations d’espaces publics vaudront à ces revendicateurs en herbe gardes à vue et missions d’intérêt général.
  Aussi éloquent qu’il soit le lettrage d’art ne rime pas toujours avec escapade du soir. Baccalauréat STT en poche, Hadrien, dans une inconscience audacieuse, brave l’extrême d’un exil en terre australe.
  Sans maitrise aucune de l’anglais, l’étudiant s’expatrie dans ce continent des extrêmes pour y entamer un cursus de formation en animation 3D et graphisme qu’il prolonge d’un parcours en architecture. InKult peint à la bombe, explore les subtilités du pochoir recherchant la simplicité certes mais surtout le plaisir du travail de la matière pour y puiser tout le savoureux du méditatif.
7 années s’écoulent enchantées par sa rencontre avec Marjorie, artiste de talent devenue depuis sa compagne et surtout maman de leurs 2 jeunes enfants.
 

L'imprévu pour ouvrir d'autres possibles.

  Un passage éclair sur l’île de La Réunion le temps d’épanouir sa première entreprise de graphisme et le couple se projette en métropole animé par l’aspiration manifeste d’un retour aux sources. Hadrien sonde l’inédit expérimentant le façonnage de la résine ou du bois comme la gravure au laser tout en poursuivant la pratique du graph et la création d’affiches. L’artiste s’accomplit dans l’imaginaire et l’irréel étrangement inspiré par l’héroïque témérité de grands explorateurs italiens comme Christophe Colomb. Son style se précise à son retour dans l’Océan Indien. Sur toile de coton se mêlent expressions de l’aérien et de la légèreté. Le ciel se confond avec le profond de la mer comme pour relier dans ce présent la nostalgie du passé à l’espoir d’un avenir, tandis que « Discovery » projette en aérosol, encre or et marqueur sa caravelle flottante accrochée aux cieux, «Through the clouds» fait émerger ses raies Manta de l’écume des mers pour les propulser dans l’espace. Au gré de réflexions de vie ou de morosités d’âme comme une ultime provocation au temps qui s’écoule peut s’inviter La Mort dans quelques ébauches à l’encre tracées. L’artiste a ses sensibilités que nul autre ne saurait contredire alternant tour à tour la nécessité d’un exutoire ou de se ressourcer.

  Caisse de vin custom avec résine effet océan, « Vestiges » creusé dans un bloc de Siporex ou table « Pirate Island » (inspiré de la forme ancienne de l’île bourbon) tout en bois d’acacia de la plaine des cafres et résine avec pieds en Itauba illustrent toute la palette des possibles osés par ce talent.
  Designer par excellence, Inkult traduit humblement sa lucidité à ne pas tout savoir ou maitriser et cet indispensable d’aller chercher un meilleur. Cette modestie seule constitue indéniablement ce qui aujourd’hui pourrait être sa raison de créer. Lui qui se définit comme un utopiste realiste garde conscience de l’importance de mesurer la chance d’ «être ». Il aime pouvoir rêver, imaginer, faire sérieusement sans se prendre au sérieux dans une procrastination structurée.
Admiratif du sculpteur Matthew Simons, du peintre Fin Dac, de JonOne ou de Jace, le graphiste se préserve dans un capharnaüm d’objets, souvenirs du temps passé plus que jardin secret nécessaire à la conscience d’une fragilité de l’instant présent.
  Illusion passante ou réalité future, Hadrien ne s’interdit pas pour émerger d’une asphyxie naissante à tourner une page pour écrire un nouvel art qu’il irait épanouir dans la région landaise ou le cœur de Yellowstone.. Ni l’homme, ni l’artiste n’aura effacé l’autre dans l’échange de ces confidences. Hadrien se confond en InKult dans toute la dimension des sensitivités émotionnelles et humaines. Comme il est venu, il repart... chapeau vissé sur un visage au regard bleu acier... une pierre de jade autour du cou... juste en souvenir de sa fille, de sa maman, le cœur rivé sur ses enfants, sur sa compagne, sur son histoire... la Vie c’est Maintenant...

 

Texte de Nadine Gracy

Photo de Corine Tellier

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